L’intérêt économique et humain d’une présence ostéopathique continue en entreprise

Introduction

Les troubles musculo-squelettiques (TMS), notamment les lombalgies, représentent la première cause de maladies professionnelles en France et pèsent lourdement sur les entreprises. Selon l’INRS, le nombre de TMS reconnus a augmenté de +60 à +80 % depuis 2003 [1]. Leur coût global pour la collectivité est estimé à environ 2 % du PIB français, soit près de 60 milliards d’euros par an [1,2].
Ils entraînent absentéisme, perte de productivité et dégradation de la qualité de vie au travail (QVT).

Pour y remédier, de nombreuses entreprises intègrent des démarches de prévention et de bien-être, parmi lesquelles l’ostéopathie. Celle-ci vise à traiter par des manipulations manuelles les dysfonctions musculo-squelettiques et autres troubles fonctionnels.
Une permanence ostéopathique en entreprise, c’est-à-dire la présence régulière ou continue d’un praticien sur site, constitue une approche émergente pour répondre à ces enjeux.

Le présent article fait le point sur les données économiques et RH disponibles, en s’appuyant sur des études cliniques et analyses médico-économiques récentes.

Résultats

Absentéisme

Une étude observationnelle de Garret et al. menée auprès de 283 salariés souffrant de lombalgies a mesuré l’impact de séances d’ostéopathie organisées sur le lieu de travail [3].
Avant intervention, 13,1 % des salariés déclaraient un arrêt de travail lié à la lombalgie, contre 7,5 % après trois séances en six semaines (p=0,058). Bien que cette réduction ne soit pas statistiquement significative, la durée cumulée des arrêts courts (<20 jours) a diminué significativement, passant de 1,7 à 0,9 jours en moyenne par salarié (p=0,034).
Ces données suggèrent un effet préventif de l’ostéopathie sur l’absentéisme de courte durée.

Douleurs et qualité de vie au travail

Dans la même étude, l’intensité des lombalgies a significativement diminué (score EVN moyen de 5,2 à 3,5 en fin d’intervention, puis 4,0 à 4 mois, p<0,0001). La capacité fonctionnelle s’est également améliorée (score EIFEL passant de 5,8 à 2,9, p<0,0001).
Par ailleurs, plus de 80 % des participants estimaient que l’ostéopathie leur avait évité au moins un arrêt de travail, et deux salariés sur trois rapportaient une réduction de leur consommation médicamenteuse [3].

Satisfaction et engagement

Selon l’ANACT, 84 % des salariés considèrent la qualité de vie au travail comme un facteur essentiel de satisfaction professionnelle [4].
L’ostéopathie en entreprise, en améliorant douleurs et confort postural, participe à un meilleur bien-être et à un engagement accru, favorisant ainsi la performance globale.

Retour sur investissement (ROI)

Une étude économique d’Asterès a estimé que l’intégration de l’ostéopathie dans la prise en charge des lombalgies permet une économie moyenne de 342 € par patient pour la collectivité [5].
Rapporté au nombre de travailleurs concernés, cela représenterait 67 millions d’euros d’économies annuelles, dont 51 millions pour les employeurs et 29 millions pour l’Assurance Maladie.
Dans l’étude de Garret et al., le recours aux soins extérieurs (médicaments, kinésithérapie…) est passé de 58 % à 35 % après l’intervention (p<0,001) [3].

Discussion

Ces résultats sont cohérents avec la nécessité d’une meilleure prévention des TMS, qui représentent un coût direct estimé à près de 2 % du PIB [1,2] et un facteur majeur d’absentéisme et de baisse de productivité.
Toutefois, des limites persistent : l’étude de Garret et al. est observationnelle, sans groupe contrôle, ce qui limite l’inférence causale. De plus, le rapport Inserm (2012) rappelait que les essais cliniques en ostéopathie restent hétérogènes [6].
Plus récemment, Santiago et al. (2023) ont montré dans un essai contrôlé randomisé de faisabilité que l’ostéopathie pouvait réduire les douleurs cervico-scapulaires chez les utilisateurs d’ordinateur, mais les effectifs restaient modestes [7].

L’ostéopathie doit donc être envisagée comme un complément dans une politique globale de prévention, combinée à l’ergonomie, la formation posturale et la gestion du stress, conformément aux recommandations de l’INRS [1].
Des essais contrôlés randomisés de plus grande ampleur sont nécessaires pour confirmer ces premiers résultats. Néanmoins, les signes en matière de réduction de l’absentéisme et d’amélioration du bien-être au travail encouragent à développer l’expérimentation dans les secteurs exposés aux TMS.

La permanence ostéopathique en entreprise, par rapport aux interventions ponctuelles étudiées dans la littérature, présente plusieurs atouts complémentaires : elle permet une prise en charge immédiate pour limiter l’aggravation des troubles et les arrêts prolongés, consolide les bénéfices dans le temps grâce à un suivi continu des salariés exposés, et renforce la relation de confiance en offrant une disponibilité réactive. Elle combine ainsi effet préventif, réactivité face aux douleurs aiguës et accompagnement individualisé durable.

Il est important de rappeler que l’évaluation scientifique des thérapies manuelles reste complexe, car leurs effets sont en partie praticien-dépendants. Ce point est détaillé dans notre article : Les limites des études sur l’ostéopathie et la kinésithérapie : facteurs de variabilité et résultats cliniques.

Conclusion

L’ostéopathie en entreprise constitue une piste très prometteuse pour réduire l’absentéisme et améliorer la qualité de vie au travail.
Les données disponibles suggèrent des gains économiques et humains significatifs, bien que des études de plus grande envergure soient nécessaires pour valider ces résultats et optimiser les modalités d’intervention.

La mise en place d’une permanence ostéopathique apparaît ainsi comme une évolution naturelle de ces démarches, permettant de maximiser l’impact préventif et de renforcer le retour sur investissement pour l’entreprise.

Références

  1. INRS. Troubles musculo-squelettiques (TMS) : comprendre pour mieux prévenir. Paris : Institut national de recherche et de sécurité; 2024.
  2. OCDE. Panorama de la santé 2021 : Les indicateurs de l’OCDE. Paris : Organisation de coopération et de développement économiques; 2021.
  3. Garret C, et al. Impact de séances d’ostéopathie réalisées en entreprise sur les arrêts de travail des salariés souffrant de lombalgies. Douleur Analg. 2024;37(2):88-96.
  4. ANACT. Enquête sur la qualité de vie au travail. Lyon : Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail; 2013.
  5. Asterès. L’ostéopathie en France : un bilan économique positif. Paris : Asterès; 2019.
  6. Inserm. Évaluation de l’efficacité de l’ostéopathie. Paris : Rapport Inserm; 2012.
  7. Santiago RJ, et al. Results of a feasibility randomised controlled trial of osteopathy on neck-shoulder pain in computer users. Complement Ther Med. 2023;73:102933.

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